A UN MARTYR
Ah, je le vois encore, ce pauvre poilu,
Les deux jambes broyées au bord d’un trou d’obus,
Son fusil dans ses bras, le long de sa poitrine,
Canon sous le menton et la tête en bouillie.
Depuis trois jours que l’attaque était faite,
Nous avions, d’un grand bois, loin, dépassé le faîte,
Et lui abandonné, criant son désespoir,
Dans ce bruit effrayant qui grandissait le soir.
Qui peut imaginer la somme de souffrance,
Qu’il a du endurer dans sa désespérance,
Et tout cela perdu, oh je ne le crois pas,
Dieu bon, tu l’as pris avec toi.
Attaques de l’Aisne, octobre 1918.
Nous l’avons trouvé en allant au repos trois jours après l’attaque, il était sur la ligne de départ. Donc, il a été blessé le premier jour et quant nous l’avons découvert, il était encore chaud, donc, il a du se tuer le troisième jour. Le jour ou nous l’avons trouvé, il avait passé sa cravate dans le battant de crosse qui tient la bretelle pour pouvoir actionner la détente.
Les brancardiers ne l’avaient pas vu. Devant une telle souffrance, on est resté abrutis. Tous pleuraient. C’est un spectacle qu’on n’oublie pas.
Elysée ROSSET