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mercredi 5 novembre 2008

Ils veulent la fin de la petite viticulture

Une journée de taille chez Denis


La
FNSEA, le "syndicat" au service des gros exploitants joue un rôle non négligeable dans ce processus de destruction de la petite viticulture. La restructuration récente décidée par l’Etat de l’organisation des appellations (sous le nom, il fallait s’en douter, de "modernisation de la viticulture") lui donne la part encore plus belle. Ainsi, ce sont les syndicats de la FNSEA qui sont chargés de tirer au sort les viticulteurs dont ils contrôleront les vignes, les caves et le vin par la voie de dégustations. Tout ce qui ne sera plus conforme sera éliminé, c’est l’arbitraire le plus total. Par ailleurs, ce sont ces mêmes syndicats qui décident du cahier des charges mis en place cette année, sous le contrôle de l’Institut National des Appellations d’Origine, organisme de plus en plus dans la ligne de la politique de l’Etat en matière d’agriculture.
Les viticulteurs sont désormais regroupés par région viticole dans des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) dirigés bien sûr exclusivement par des responsables de la FNSEA. Pour bien situer les choses, il faut rapporter ce propos de l’un des responsables de l’ODG du Beaujolais : « L’offre de vin est trop dispersée, il va falloir la regrouper. » [Traduction : renoncez aux petits et vendez à vil prix aux gros ou aux moyens. ] ou encore : « Il y en a assez de cette guéguerre entre viticulteurs et négociants, il faut marcher ensemble. » [Traduction : que les poules du poulailler discutent avec les renards plutôt que de se méfier d’eux. ]
Le but final, affirmé par la Commission européenne est d’aller vers un nombre de plus en plus restreint d’ODG, au niveau du pays puis de l’Union, et qu’à terme, on n’ait plus que deux catégories : les vins avec indication géographique et les vins sans indication. Ainsi pourrait naître assez vite un ODG regroupant Beaujolais, Bourgogne, Jura et Savoie. Les négociants pourront enfin légalement mélanger et trafiquer les vins. Ils le font déjà illégalement, mais l’ampleur prise sera désormais démesurée et comme la définition officielle du vin selon
l’UE ne mentionne même pas l’obligation de provenance du moût de raisin, tout sera possible !

Dérégulation : la qualité en ligne de mire
Tout cela a, bien entendu, des conséquences sur la qualité du vin. Toutes les productions humaines voient baisser leur qualité dès lors qu’elles sont soumises à la fameuse loi du marché. Lorsqu’il s’agit, pour ceux qui vendent, de dégager une marge, la qualité passe après.
Depuis des années, on impose un goût standard. Sur le modèle de ceux du nouveau monde, destiné à un public consumériste mais peu connaisseur, on fabrique depuis des années dans notre pays un produit qui n’a pas besoin de vieillir. La chimie au service du goût stéréotypé ! C’est l’heure des "vins technologiques" dont la fermentation est activée mais bloquée, qui sont prêts à boire au bout de deux mois, mais finis au bout d’un an. Le client du nouveau monde est impatient, on lui fournit le "produit fini".
Cette « mode» a grandi aussi en France. Les idéologues du commerce, ceux qui font la pluie et le beau temps dans les media s’en sont mêlés. Qu’importe le terroir, un cépage prestigieux peut pousser partout. Qu’importe le savoir faire du vigneron, tous les vins se ressemblent. C’est l’ère de la standardisation.
Le but immédiat de l’Union européenne est la fin des appellations contrôlées, jugées trop rigides. Il faut noter que, sans attendre la réglementation européenne, l’Etat français avance :
l’INAO, institut des appellations d’origine, a vu élargir ses compétences à des domaines comme le miel et le beurre, qui ne possèdent pas d’AOC. L’INAO est d’ailleurs sur le point de changer de nom.

Le vin de tradition réservé à l’élite
Tout est bon : la baisse du niveau de vie (On achète désormais la bouteille à l’unité au lieu du carton) ; le formatage idéologique incitant les viticulteurs à exporter, donc à faire un vin sans intérêt, ce qui les ruinera un jour ou l’autre s’ils ne sont pas assez "gros" ; enfin la campagne idéologique moralisatrice jetant l’opprobre sur les consommateurs de vin.
Le vin de tradition française est menacé, de l’extérieur par les requins US notamment, comme l’a montré le film "Mondovino". Il l’est par les gros négociants qui préfèrent acheter du vin du Chili, des USA ou d’Australie mais il l’est aussi par un consensus gagné par les dominants autour de l’idée que seul le vin vite arrivé à maturité plaît.
Ceux qui auront les moyens pourront continuer de déguster un grand cru de Bourgogne ou un grand cru classé de Bordeaux, mais les autres devront se contenter d’un liquide douteux avec (ou sans) indication géographique.

Pour les contrer, seule la lutte....
L’enjeu est de taille, il s’agit de la mort définitive de l’agriculture familiale. Ce n’est ni l’intérêt des paysans ni celui des salariés. On ne peut compter sur la gôche pour empêcher cette catastrophe : les tenants de l’Europe sociale, de Fabius à Buffet, en passant par Besancenot réclament "une autre
PAC", alors que l’Union européenne est le principal vecteur que le capital a utilisé pour parvenir à ses fins ; en outre ils ont adopté la mentalité "citoyenne" qui consiste à condamner moralement les amateurs de vin.
Seule la lutte permettra de sauver la petite paysannerie et la qualité des produits que nous consommons. Un peu partout, notamment dans le Languedoc, des viticulteurs sont en lutte. A l’intérieur du syndicat des exploitants familiaux, le
MODEF, nombreux sont ceux qui veulent secouer une direction arc-boutée sur le consensus avec la FNSEA et le pouvoir.

Reçu de mon camarade DENIS, poète et vigneron

1 commentaire:

Dominique a dit…

La standardisation du goût est évidente. J'allais autrefois acheter du St Nicolas de Bourgueil chez un petit viticulteur qui faisait un vin excellent à un prix tout à fait abordable. On en goûtait 4 ou 5 à des fûts différents et qui avaient des variantes assez marquées. On pouvait choisir. Un vrai plaisir. Lorsque le fils a repris l'exploitation, il n'y avait plus qu'un seul vin tiré de la cuve en inox à goûter. Le goût de terroir avait disparu. Autant aller acheter son vin au supermarché.